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 Traduction arabe

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PostSubject: Traduction arabe    Traduction arabe  I_icon_minitimeSat 29 Oct - 14:34

Traduction arabe
Ali Benmakhlouf, Les enjeux philosophiques de la traduction vers la langue arabe

Premier constat : il existe un déficit de traduction, tous domaines confondus du savoir, en langue arabe. Or une langue s'enrichit par la traduction; plus on traduit, plus on donne d'épaisseur à la langue. Le réel est « polyglotte et inépuisable », selon l’expression suggestive de Michael Edwards, professeur au collège de France, spécialiste de Racine et de Shakespeare, qu’il lit et commente en langue originale : Racine parle à un anglais lecteur de Shakespeare, et Shakespeare prend une couleur racinienne par ce connaisseur de la littérature française, versé dans les ressort créatifs à l’œuvre dans une langue. Ses ouvrages n’intéressent que dans la mesure où inlassablement le français est un point de vue sur l’anglais et vice-versa.

C'est en saisissant le filet que donnent d'autres langues que l'on peut construire le maillage d'une langue d'arrivée : il ne s’agit pas de dérouler le fil d’une même pelote mais de saisir les liens apparentés entre plusieurs fibres enchevêtrées : Racine et Shakespeare, Lewis Carroll et un texte d’Al Tawhidi, polygraphe du Xe siècle, dont un des ouvrages, Plaisir et convivialité a été considéré comme les Mille et nuits philosophiques, conte à comparer au conte des Aventures d’Alice au pays des merveilles, pour saisir quelque chose de l’émerveillement que produit en interne la polysémie des mots, pour comprendre le rêve éveillé qu’est la langue, la distraction onirique que donne la traduction.
Quand on traduit, il ne s'agit pas de reprendre des significations, de les restituer, mais d'ouvrir à des compréhensions inédites. C'est parce qu'on traduit qu'on comprend et non l’inverse: il n'existe pas de significations figées que l'on aurait à transmettre dans une autre langue. Les intraduisibles, c'est ce qu'on ne cesse pas de (ne pas) traduire, et d'étoffer comme l’indique Barbara Cassin, maître d’œuvre du Vocabulaire européen des philosophies et qui a souhaité avec moi et d’autres chercheurs faire arriver en langue arabe ce vocabulaire, paru en 2004. Un vocabulaire et non un dictionnaire car par définition un vocabulaire est quelque chose d’incomplet. Ainsi le terme de Shari'a, qui faisait l'objet de quelques lignes dans le Vocabulaire, est l'objet d'un article entier dans la traduction arabe. Le lecteur arabe potentiel du Vocabulaire devra se saisir de cette traduction pour comprendre sa propre langue.
Le point de vue du Vocabulaire sur l'Europe est celui du français, et de même le point de vue de sa traduction arabe est celui du Maroc sur le monde arabe. L'initiative est en effet partie du Maroc, grâce à la Fondation pour les sciences humaines et grâce à la Fondation ONA. La traduction suppose une forme d'empathie : on se place dans une situation perceptive commune, c'est parce que l'on trouve une forme de perception commune que l'on se met à traduire. Les traducteurs marocains partagent tous cette perception commune, qui guide leur travail. C'est une forme d'empathie troublante, il est vrai, car elle suppose une part de malentendus et une part de glissements de sens, et cela fait partie du travail de traduction. Les traducteurs ne cherchent pas une correspondance terme à terme, à laquelle ils ne parviendront pas, mais à resserrer au maximum le faisceau qui va d'une version à un thème ou l'inverse, en partant d'un terme lointain ou seulement apparenté pour parvenir à un terme de plus en plus précis – et non pas un terme adéquat : c'est dans la part irréductible d'approximation que se fait la traduction.
Une traduction est toujours une adaptation, d'autant que le sens se constitue dans l'adresse – comme l'avait bien compris Averroès qui, dans le Discours décisif, distinguait déjà, dans un texte ou un discours, entre les niveaux rhétorique, dialectique et démonstratif. Il y a ceux, par exemple, qui vont voir dans le texte sacré un tissu d'images (rhétorique), ceux qui vont voir dans des mots des indices renvoyant à des sens opposés au sens littéral (dialectique), ceux qui vont y déceler des significations scientifiques (démonstratif). Chaque lecteur lit en fonction de son degré de savoir.
Une langue ne peut être contrôlée, maîtrisée selon les formes traditionnelles qui exercent le pouvoir. Montaigne parlait gascon, lisait en latin, écrivait en français. Il pensait que l'on ne comprendrait pas son français dans 50 ans, car la langue n'était pas constituée ; le sens des mots, les genres n'étaient pas encore fixés. La langue fluctuait et allait changer encore. Mais il n’y a là rien à craindre : le sens se fait par le contexte et il est à venir ; la fluctuation ne doit pas nous arrêter, c'est plutôt une chance. La fluidité de la traduction opère avec la fluctuation, voire la polysémie des termes. Les langues officielles du monde arabe (la langue politique et la langue religieuse) sont comme des habits de cérémonie sans pouvoir car il leur manque bien souvent—notamment la langue politique— l’imprégnation de vie propre au dialecte. La langue standard de l’information télévisée n’est pas articulée à la réalité linguistique des acteurs sociaux, mais elle dispose néanmoins de toutes les formes technologiques de la diffusion. Dans les dialectes, la création est constante. Oui, l'état de la langue suppose l'histoire – mais l'historicité de la langue ne doit pas nous effrayer.

Les pays arabes ont pour la plupart tenté une arabisation forcée au lendemain de l’indépendance, confondant le rejet de la colonisation avec le rejet de la langue du colonisateur. Or, comme le dit Jacques Derrida, une langue est ce qui n’appartient pas : ni le français n’appartient à la nation française, ni l’arabe aux nations arabes.
Une formation à l'université seulement en arabe ne donne accès à aucun débouché, alors qu'une formation en français, couplée à l’arabe, même dialectal, permet de choisir son avenir : là est l’échec, non pas tant de l’arabisation, que du monolinguisme. Les jeunes Maghrébins lisent de la littérature en arabe, et très peu de littérature française. Les librairies francophones ferment les unes après les autres, notamment à cause du coût des livres en français, la plupart importées, inaccessibles au public arabophone dans sa grande majorité.
Dans le monde arabe, les sciences humaines et la philosophie en particulier s'enseignent en arabe littéral : il existe un langage formé de l'enseignement, qui va être d'une aide précieuse pour traduire le Vocabulaire. L'arabe est une langue d'enseignement, mais aussi un immense échec : l'arabisation, dans les années 1980, s'est faite sans point de vue à partir d'une autre langue. La langue arabe n'a pas été mise en perspective. C'est l'un des échecs de la décolonisation au niveau académique et universitaire : la langue arabe s'est formée de manière autoréférentielle, sur une base pauvre, car il existe très peu d'œuvres traduites et éditées. Quand la France édite 50 000 ouvrages par an, le Maroc en publie 1 000, et tout le monde arabe publie moins de livres par an que la Suisse. Dans les années 2 000, on a commencé à se rendre compte, du moins au Maroc, de l'échec d'une arabisation qui fut non seulement politique, mais fortement idéologique, et on assiste aujourd'hui à un moment d'accélération historique dans l'arrivée des textes en arabe. Des moments d'accélération historique, le monde arabe en a connu quelques-uns. Celui du IXè siècle, que tout le monde connaît où l’on s’est mis à traduire du grec vers le syriaque, puis du syriaque vers l’arabe ; celui du XIXè siècle, quand Mohammed Abdou, en Égypte, envoyait les étudiants à l'étranger avec des bourses et les retenait à leur arrivée, pendant six mois à leur retour pour les obliger à traduire les ouvrages qu'ils rapportaient.
On assiste aujourd'hui à un nouveau mouvement de traduction. Une grande organisation (« l’organisation arabe pour la traduction ») pour la traduction des ouvrages de sciences humaines basée à Beyrouth a traduit les quatre dernières années beaucoup de textes importants (La Phénoménologie de l'esprit, les Recherches philosophiques de Wittgenstein, Soi-même comme un autre de Ricœur., des textes de Bachelard, de David Hume, de Canguilhem, etc.,) ; des œuvres fondamentales ont pu accéder à la langue arabe de manière rapide, car des moyens considérables ont été investis. On peut penser que la traduction du Vocabulaire sera un moment important de ce mouvement. Il sera publié sous la forme de six fascicules, et distribué par le Centre culturel arabe, qui distribue dans tout le monde arabe.
Soulignons l'importance des migrations intellectuelles : les traducteurs arabes du Vocabulaire ont été formés dans une culture qui passe par le français et l'anglais, et c'est pour cela qu'ils se sont engagés dans cette traduction. Quand des étudiants viennent suivre des études en France ou en Europe, se stabilise un référentiel intellectuel qui leur permet ensuite, toute leur vie, d'interagir et de redessiner les frontières.
La traduction du Vocabulaire européen des philosophies se fait dans le contexte d'une langue qui bouge tout le temps. Le contexte est une notion purement subversive, car on ne peut jamais en tracer les délimitations. Quand on voit une forêt du haut d'un avion, elle paraît nette dans ses contours, mais quand on est au ras du sol, on est forcément approximatif. Les traducteurs travaillent au ras du sol, et non du point de vue de l'observateur aérien. Ainsi, concrètement, la traduction du Vocabulaire rencontre un certain nombre de difficultés. On ne peut pas traduire « la théorie des deux cités » de saint Augustin, littéralement en arabe, on doit passer par une périphrase, car « la théorie des deux cités » ne parle pas aux lecteurs arabes. De même, le mot « bourgeoisie » pose problème. Comment le traduire ? par « classe financière » ? par « les capitalistes » ? par « classe des notables » (traduction qui s'est stabilisée) ? Les Arabes utilisent souvent al-bourgeoisiya, comme les Japonais utilisent bourgeoika : c'est une traduction possible. Quant au mot pravda, il existe en arabe aussi un mot qui dit à la fois « justice » et « vérité » : al-haqq. Traduire c'est donc créer : le système de la langue arabe, avec la racine trilitaire, permet de traduire de nombreux mots en les créant en arabe par la paronymie (en ajoutant des suffixes, sur le modèle du fonctionnement de la langue arabe, on crée de nouveaux mots). Il n'y a pas de signification préétablie : la traduction nous fait entendre que comprendre est premier par rapport à signifier. Par ailleurs, l'article Shari'a a dû être augmenté : cela n'a pas de sens de publier en arabe un dictionnaire d'entrées juridiques et politiques sans une entrée Shari'a conséquente. C'est donc, cette fois, un ajout plein. Mais c'est que le Vocabulaire est une symptômatologie : les mots sont des symptômes, et ils ne sont pas clos dans une systématicité, ils sont susceptibles d’être décrits quant à leur usage, et la description par nature est incomplète.

TOPIC : Traduction arabe   SOURCE : Linguistic Studies ** http://languages.forumactif.org/
Signature : langues
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